mercredi 31 octobre 2012

ELO#125 - Terry Callier


Mercredi 31 octobre 2012

Terry Callier est mort samedi dernier. Inventeur d'une musique soul - folk jouée à la guitare sèche et doté d'une voix magnifique, son heure de gloire n'a duré que deux ans, entre 1972 et 1974, où il a enregistré trois excellents disques Occasional Rain (qui contient mon morceau préféré de lui, Ordinary Joe, mais aussi le très beau Lean On Me...), What Color is Love et I Just Can't Help Myself. Avant cela, il avait enregistré un premier disque en 1964 (avec Spin, Spin Spin qui évoque déjà You Goin' Miss Your Candyman), et s'était fait connaître en écrivant des chansons pour les autres (The Love We Had Stays On My Mind, pour les Dells). Après cela il a encore sorti deux bons disques jusque Turn You To Love en 1978, puis il a connu 20 ans de silence!

Génial inventeur, compositeur, chanteur, apprécié de ses pairs, Terry Callier ne vend pas énormément. Sa première maison de disque essaye d'élargir sa clientèle avec une des pochettes les plus belles que je connaisse, contre l'avis du chanteur. Finalement elle jette l'éponge, comme le fera la suivante après seulement deux disques...

Il est revenu au goût du jour grace aux rappeurs éduqués qui samplaient sa musique, tels que les anglais de Urban Species dans leur tube (avec MC Solaar) Listen, en 1994, qui contient un extrait de You Goin' Miss Your Candyman de 1973. Ils l'invitent même sur leur disque suivant en 1998 pour deux titres, Religion and Politics et Changing Of The Guard. Il reprend alors la route, enregistre des disques et donne de très beaux concerts où sa voix est intacte, comme en témoigne cette ènième version de You Goin' Miss Your Candyman dans les années 2000:



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Siné:

Sur son blog:
http://www.sinemensuel.com/zone-de-sine/
http://www.sinemensuel.com/dessins/

Dans Libé:
http://www.sinemensuel.com/revue-de-presse/liberation/

Dans l'Express:
http://www.lexpress.fr/actualites/1/economie/le-dessinateur-sine-evoque-sa-leucemie-et-revient-sur-son-existence_1181433.html

Dans rue89:
http://www.rue89.com/2012/10/31/meme-presque-mort-sine-bande-encore-236685
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Musique et actualités américaines:

Une pensée pour les victimes haïtiennes de l'ouragan Sandy, avec cette version de We Shall Overcome par Bruce Springsteen en 2010:


Une petite pensée aussi pour Asbury Park, New-Jersey, en état de catastrophe naturelle, avec cette chanson de 1973 de son artiste plus plus célèbre, le même Bruce Springsteen, et dont le titre complet est 4th of July, Asbury Park (Sandy):


Enfin, un titre (assez mauvais) de Stevie Wonder en l'honneur d'Obama: Keep Moving Forward
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Flamenco:

Dans le fameux texte de sa conférence "Jeu et Théorie du Duende" (1933), Federico Garcia Lorca essaye de définir le duende, cet instant de grâce décrit par les amateurs de flamenco, cet esprit qui viendrait prendre le contrôle de certaines maisons, selon son étymologie "dueno de la casa", et que Lorca différencie de l'inspiration de la muse, ou du toucher de l'ange. En voici un extrait:

"Un jour, la chanteuse andalouse Pastora Pavôn, La Niña de los Peines, sombre génie hispanique, d'une capacité de fantaisie équivalente à celles de Goya ou de Rafael el Gallo, chantait dans un petit cabaret de Cadix. Elle jouait de sa voix d'ombre, de sa voix d'étain en fusion, de sa voix couverte de mousse des bois, et elle l'emmêlait dans sa chevelure ou elle la trempait dans du vin de manzanilla, ou elle la perdait dans des labyrinthes obscurs et très lointains. Mais rien ne se passait; pas le moindre effet. Le public ne réagissait pas.

Il y avait là Ignacio Espeleta, beau comme une tortue romaine, à qui l'on a demandé une fois: "Comment se fait-il que tu ne travailles pas?" ; et lui, avec un sourire digne d'Arganthonios, avait répondu : "Comment voulez-vous que je travaille, alors que je suis de Cadix?"

Il y avait aussi Elvira la Caliente, putain aristocrate de Séville, descendante directe de Soledad Vargas, qui en 1930 n'avait pas voulu se marier avec un Rothschild parce qu'il n'était pas à la hauteur de son sang. II y avait les Florida, que les gens croient bouchers, mais qui en réalité sont des prêtres millénaires qui continuent de sacrifier des taureaux à Géryon, et dans un coin, il y avait l'imposant éleveur Don Pablo Murube, avec son air de masque crétois. Pastora Pavôn avait fini de chanter au milieu du silence. Alors un petit homme seul, et plein de sarcasme, un de ces petits bonshommes qui sortent tout à coup en dansant des bouteilles d'eau-de-vie, a dit tout bas: "Vive Paris!", comme pour dire "Nous, on n'est pas là pour du savoir-faire, de la technique, ou de l'habileté. On veut autre chose."

Alors, La Niña de los Peines s'est levée comme une folle, pliée en deux comme une pleureuse médiévale, et elle a avalé d'un trait un grand verre d'anis de Cazalla, brûlant comme le feu, et là elle s'est rassise pour chanter sans voix, sans souffle, sans nuances, la gorge en flammes, mais... avec duende. Elle avait réussi à tuer tout l'échafaudage de la chanson pour laisser place à un duende furieux et dévastateur, ami des vents chargés de sable, qui poussait les gens de l'auditoire à déchirer leurs habits, presque selon le rythme des Noirs antillais de rite lucumi, quand ils se les arrachent pelotonnés devant une statue de sainte Barbe. La Niña de los Peines a dû se déchirer la voix parce qu'elle savait que les plus fins connaisseurs l'écoutaient, qu'ils ne voulaient pas de formes mais la moelle des formes, de la musique pure qui réduit le corps à ce qu'il faut pour rester en suspens. Elle a dû appauvrir son savoir-faire et son assurance; donc, elle a dû éloigner sa muse et demeurer sans défense, pour que son duende vienne et qu'il daigne se battre à mains nues. Et il faut voir comment elle a chanté! Sa voix ne jouait plus, sa voix était un flot de sang, digne, par sa douleur et sa sincérité de s'écarter comme une main à dix doigts sur les pieds cloués mais pleins de tourmente, d'un Christ de Juan de Juni.

L'arrivée du duende implique toujours un changement radical sur toutes les formes. Sur des terrains anciens, il donne des impressions de fraîcheur totalement inédites, et une qualité de création nouvelle, de miracle, qui parvient à produire un enthousiasme presque religieux.

Dans toute la musique arabe, danse, chanson ou élégie, l'arrivée du duende est saluée d'énergiques "Allah, Allah!", "Mon Dieu, mon Dieu!", si proches du "Olé!" des corridas que personne ne sait s'il s'agit de la même chose, et dans tous les chants du sud de l'Espagne, l'apparition du duende est suivie de cris sincères "Viva Dios!", "Dieu soit loué!", cri profond, humain, tendre cri d'une communication avec Dieu par le biais des cinq sens, grâce au duende qui agite la voix et le corps de la danseuse; évasion réelle et poétique de ce monde, aussi pure que celle qu'avait réussie l'excellent poète du XVIIème siècle, Pedro Soto de Rojas à travers sept jardins ou celle de Jean Climaque par une tremblante échelle de larmes.

Naturellement, quand cette évasion est réussie, tout le monde en ressent les effets; l'initié en voyant de quelle façon le style vient à bout d'une matière pauvre, et l'ignorant, dans le je-ne-sais-quoi d'une authentique émotion. Il y a des années, dans un concours de danse à Jerez de la Frontera, une vieille de quatre-vingts ans l'a emporté sur de belles femmes et des jeunes gens cambrés comme de l'eau, par le seul fait de lever les bras, relever la tête, et taper du pied sur la petite estrade, mais dans l'assemblée de muses et d'anges qu'il y avait là, beauté de formes et beauté de sourires, la victoire devait revenir, et elle est revenue à ce duende moribond qui laissait traîner par terre ses ailes aux couteaux rouillés."

Pour écouter de qui il parle, voici une Seguiriya déchirante, El Corazon de Pena, de la Nina de los Peines...
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Agenda:

Mobilisation-réquisition de 100 000 logements vacants, tout de suite:
http://droitaulogement.org/category/cp100/

Face à la multiplication des interdictions de tracter et pétitionner sur les marchés
http://portail.netoyens.info/menacesurlagora/index.php

Non à la venue de Benyamin Netanyahu en France: rassemblement mercredi 31 octobre 2012 à 18h30, place de l'opéra Paris

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour,

Je me permets de vous contacter car je travaille actuellement pour le Festival Jazzycolors.
Organisé par les institutions culturelles étrangères de Paris, le festival célèbre ses 10 ans cette année ! Au programme de cette nouvelle édition ; pas moins de 18 concerts au sein de 8 centres culturels de la capitale : Bojan Z et Julien Lourau ; Michael Wollny’s, Kyrie Kristmanson, Jonas Kullhammar Quartet….

Susceptible de vous intéresser ainsi que vos lecteurs, si vous souhaitez annoncer le festival, recevoir une compilation, interviewer les artistes programmés ou assister aux concerts en vue d’un report, n’hésitez pas à revenir vers moi à l'adresse: promoweb@ephelide.net

Bonne journée
A bientôt

Laure

Entre les Oreilles a dit…

Désolé, je n'ai pas le temps en ce moment, mais j'ai ajouté votre festival à la liste des concerts annoncés...

Bonne chance!

Dror