Suite à la réédition du livre "Protest Song - La Chanson contestataire dans l'Amérique des sixties" (de Yves Delmas et Charles Gancel, Le Mot et le Reste, 2012), le Courrier de Genève a sorti un dossier sur le sujet, avec deux de mes articles ici:
Il y a rebelle et rebelle...
EMMANUEL DROR
http://www.lecourrier.ch/103077/la_victoire_en_chantant
Il convient de distinguer les chansons gentiment rebelles de celles qui impliquent pour certains interprètes de risquer des procès, voire d’y laisser leur peau. Une chanson comme «Le Bûcheron» du Congolais Franklin Boukaka, qui dénonce le manque de libertés dans son pays malgré l’Indépendance, lui a valu d’être assassiné en 1972, tout comme le Chilien Victor Jara l’année suivante, pour des brûlots engagés tels que son «Manifiesto». Bob Marley, l’immortel interprète de la rebelle «Get Up, Stand Up», eut plus de chance, puisqu’il échappa en 1976 à l’attentat qui le visait. Dans les années 1990, l’Algérien Cheb Hasni (auteur de «El Visa») et le champion de la cause kabyle Matoub Lounès («Réveillez-vous, compagnons!») paieront de leur vie la contestation du pouvoir en place. Tout comme le Syrien Ibrahim Qachouch, assassiné en juillet 2011 pour son hymne «Yalla irhal ya Bachar» («Allez dégage Bachar») repris lors de toutes les manifestations récentes, de Damas à Tunis...
Certains, plus «chanceux», se sont contentés de peines de prison plus ou moins longues. Ainsi, dans les années 1970, l’Egyptien Cheikh Imam, qui avait notamment soutenu les révoltes étudiantes avec un titre comme «Rajiu al-Talmiza», fera de fréquents séjours derrière les barreaux. Zeca Alfonso ne passera que quelques mois en prison au Portugal en 1973 pour y avoir dénoncé les conditions de vie difficiles dans «Menino do Bairro Negro», alors que Fela Kuti sera enfermé presque deux ans au Nigeria dans les années 1980 pour des chansons telles que «Zombie», qui dénonce la violence des militaires de son pays. Si le rappeur tunisien El General («Rayes le Bled») et son homologue marocain Lhaqed (1) («Mgharba Iqu») ont également goûté à la détention pendant le Printemps arabe, pour avoir osé affronter respectivement le président Ben Ali et le roi Mohamed VI, les Pussy Riot viennent d’être condamnées à deux ans d’emprisonnement en Russie pour avoir chanté publiquement «Mère de Dieu, Chasse Poutine!», qui plus est, dans une cathédrale de Moscou. Quant à la chanson «Constitution constipée», critique en 2008 de la politique du dictateur Paul Biya, elle a valu trois ans de cellule au Camerounais Lapiro de Mbanga, qui a décidé le mois dernier de partir s’exiler aux Etats-Unis...
«QUITTE LE POUVOIR»
Nombreux sont ceux qui évitent la prison, mais pas les attaques en justice et la censure, s’ils osent offenser le pouvoir. Citons, parmi d’autres, Boris Vian et son «Déserteur» dans la France de 1954, Chico Buarque dans les années 1970 de la dictature brésilienne (avec des chansons telles que «Apesar de Voce», «Calice» ou «Corrente»), les rappeurs californiens de NWA avec «Fuck Tha Police» en 1988, et plusieurs groupes de rap français comme La Rumeur («Je Connais tes Cauchemars», en 2002), Sniper («La France», en 2003) ou ZEP («Nique la France», en 2010, lire ci-contre). Pour ce qui est de ce dernier groupe, son chanteur Saïdou vient d’être mis en examen pour racisme anti-Français: même l’héritage post-colonial d’une nation peut-être le sujet d’une chanson rebelle...
A l’instar de Lapiro de Mbanga et pour éviter la prison ou la mort, certains ont préféré l’exil, comme les Sud-Africains Miriam Makeba et Hugh Masekela, dès les années 1960, co-interprètes du «Soweto Blues» écrit en 1976 après les émeutes réprimées dans le sang. De nombreux artistes chiliens ont également dû fuir après le coup d’Etat du général Pinochet en 1973, comme les membres du groupe Quilapayun, compositeurs et interprètes du célèbre «El pueblo unido jamás será vencido». Plus récemment, Ahmet Kaya – décédé à Paris en 2000 – ou Tiken Jah Fakoly ont préféré quitter respectivement la Turquie et la Côte d’Ivoire pour pouvoir continuer à chanter, l’un sa «Caravane» («Karwan») en langue kurde, et l’autre son exhortation aux potentats africains, «Quitte le Pouvoir».
Enfin, certains artistes sont exilés parce qu’il leur est difficile, voire impossible, de rentrer dans leur pays. C’est le cas de nombreux chanteurs palestiniens engagés, comme le groupe Katibe 5 et son ironique «Bienvenue dans les Camps», où les réfugiés au Liban sont condamnés à rester en attendant l’exercice de leur droit au retour (2). C’est le cas également de la rappeuse anglo-palestinienne Shadia Mansour, interprète du «Kofeyye Arabeyye», hymne au keffieh noir et blanc, symbole de la résistance d’un peuple...
On pourrait s’étonner que des dictateurs aidés d’une armée, d’une police et d’une justice à leur service prennent la peine de s’intéresser et de neutraliser de simples troubadours. Mais ce serait sous-estimer le pouvoir des poètes: on a vu des chansons éclairer, unir et galvaniser des foules, servir d’étincelle et, à leur façon, changer le monde.
(1) Lire notre entretien avec Lhaqed: http://www.lecourrier.ch/lhaqed
(2) Lire notre reportage auprès des rappeurs palestiniens du Liban: http://www.lecourrier.ch/rapliban
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Devoir de mémoire, devoir d’insolence
EMMANUEL DROR
http://www.lecourrier.ch/103077/la_victoire_en_chantant
Dix-sept octobre 2012. Cinquante et un ans après les faits, le président de la république française François Hollande reconnaît la «sanglante répression» d’une manifestation d’Algériens à Paris qui s’était soldée, selon les historiens, par 200 à 300 morts, sous la responsabilité de la police du Général de Gaulle et de son préfet Maurice Papon. Il est apparemment plus facile de s’excuser avec un demi-siècle de retard, puisqu’on apprend que, le même jour, l’affaire Ali Ziri, du nom de cet Algérien de 69 ans mort en 2009 après une interpellation «musclée» par la police de Nicolas Sarkozy, aboutit à un non-lieu.
Ce même jour encore, Saïdou, le chanteur du groupe ZEP (Zone d’Expression Populaire), et Saïd Bouamama, sociologue, viennent d’être mis en examen pour «injures, discriminations et incitations à la haine raciale» (le fameux «racisme antiblanc»»), proférées dans un livre-disque sorti en 2010. Comme l’explique Bouamama, cet ouvrage, Nique la France. Devoir d’insolence posait des questions simples telles que «pourquoi Michel peut-il dire qu’il n’aime pas le drapeau et pas Mohamed?» ou «pourquoi Aragon peut-il écrire ‘je conchie la France impérialiste’ et pas Saïdou?». L’origine maghrébine des mis en examen pose une fois de plus la question de l’héritage post-colonial de la France...
Le livre incriminé comportait également une série de portraits de personnes connues et inconnues qui tendaient le majeur en signe de défiance. Parmi celles-ci, le dessinateur Siné qui, depuis son lit d’hôpital, s’indigne d’une telle mise en examen et prévient: «Je suis prêt à fournir un tas de dessins violemment anti-Français que j’ai publiés en diverses occasions. Siné, Français de souche, mais pas de cœur!»
Nique la France. Devoir d’insolence, textes du livre-album de ZEP (Zone d’Expression Populaire) avec Saïd Bouamama, Darna Editions, juin 2010.
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On y parle de Siné dont on parle aussi ici:
Et là:
http://www.jeanmarcmorandini.com/article-295068-le-dessinateur-sine-evoque-sa-leucemie-dans-sine-mensuel-a-paraitre-demain.html
On y parle de John Lennon dont un meilleur article est ici (avec une jolie photo du britannique manifestant pour l'IRA):
http://www.lecourrier.ch/john_lennon_icone_de_combat
On y parle du rappeur marocain Lhaqed, dont un autre journal donne des nouvelles:
http://www.telquel-online.com/Le-Mag/Parcours-La-nouvelle-vie-de-L7a9ed/543
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A propos de la dernière chanson de Zebda sur Gaza, Une Vie de Moins, vous pouvez les soutenir sur leur facebook, pendant que là le CRIF les attaque...
Une chanson pour Gaza : le Crif pour la censure ?
Alain Gresh, 2 novembre 2012
Elias Sanbar - les Palestiniens n'en peuvent plus d'attendre
Siné Mensuel, 31 octobre 2012
(Sa dernière phrase trahit sont hypocrisie du côté de l'Autorité Palestinienne, car il sait très bien que quelque soit la configuration, le Hamas gagnerait des élections démocratiques en Palestine...)
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Obama ou Romney? Hollande ou Sarkozy? La vérité sort de la bouche de George Carlin:
Ou de Rick Danko, de The Band:
Ou de Wiaz dans Siné Mensuel:
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Sandra Nkaké rend hommage à Terry Callier avec le morceau Dancing Girl (à ce propos, dans ma chronique de la semaine dernière, j'ai ajouté le morceau Lean On Me...).
Macy Gray rend hommage à Stevie Wonder avec le morceau Superstition.
Pearl Jam rendait hommage à Tom Waits avec le morceau Picture in a Frame (en 2007).
Sharon Jones rend hommage à Woody Guthrie avec le morceau This Land is Your Land:
2 commentaires:
Salut,
On peut écouter La Rumeur en concert à St-Etienne, avec des commentaires du groupe et du public ici :
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2586
Merci, je suis en train d'écouter ça...
A +
Dror
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