Dror, Entre Les Oreilles, le 28 décembre 2022
Il existe assez peu de textes sur les Mardi Gras Indians, et il semble que même l'exposition du Quai Branly est assez incomplète. Ayant découvert cette tradition par la musique, les informations les plus précises que j'ai recueillies proviennent du coffret The Wild Magnolias - They Call Us Wild - Deluxe Boxed Set, avec des textes de Florent Mazzoleni, Martin Davies et Philippe Rault... On y trouve aussi de très belles images, ainsi que dans la série Treme, et sur le site web des Monogram Hunters...
Alors qu'est-ce que j'ai appris? Ce sont des gangs indépendants, qui se font appeler tribus, qui obéissent à des règles, en particulier celles de répartir les rôles entre ses membres, mais aussi ses coutumes, et leur façon très particulière de s'habiller. Ces pratiques ressemblent à celles d'une religion ou de traditions antiques, artistiques, culturelles, sociales, spirituelles, musicales, et plusieurs mythes circulent à ce sujet. En effet, les membres de ces groupes sont très majoritairement des noirs américains (on les appelle aussi les Black Indians) de La Nouvelle Orléans, en Louisiane, et pourtant leurs costumes sont très clairement inspirés de ceux des "indiens", les autochtones américains, ou... de ceux qu'ils portaient dans les films de fiction! Un mythe veut donc que cette tradition ait été transmise par les autochtones à des esclaves noirs échappés de leurs champs de coton. Dans la mesure où ces rites n'existent pas chez les autochtones américains, il est plus vraisemblable que ces traditions aient été inventées par des noirs américains déracinés, en mal de culture. Ce rite existe depuis 1850, et il y a aujourd'hui une quarantaine de tribus à la Nouvelle Orléans.
Paradoxe de cette tradition: les tribus ne sortent publiquement quasiment qu'un seul jour par an, le matin de Mardi Gras, et parfois deux semaines plus tard, autour de la Saint Joseph et du Super Sunday. Pourtant, ils se réunissent toute l'année, pour préparer leurs masques et leurs costumes. C'est à dire que ces hommes passent leurs dimanches après midi à couper, coudre, décorer de perles et de plumes leurs costumes qu'ils garderont secrets jusqu'à la dernière minute, espérant surprendre et impressionner le public du quartier et les tribus rivales, mais sans que les blancs ne les voient. Vu le résultat, on comprend que ça prenne un an! Ils passent aussi leurs dimanche soir à s’entraîner: à défiler, à se battre, à faire de la musique, principalement des percussions, à danser, à chanter...
Le défilé suit des règles compliquées, avec ses membres (assez peu nombreux): le chef de tribu (Big Chief
et, plus rarement, Big Queen), l'éclaireur (Spy Boy), le porte drapeau
(Flag Boy), le sauvage (Wildman, armé), le pisteur (Trail Chief), le
médecin (Medicine Man) etc. Derrière, la second line peut aujourd'hui
être composée de civils qui se rangent derrière cette tribu. Quand elles sortent, donc, les tribus défilent dans les rues de leurs quartiers. Quand elles croisent une autre tribu, averties par leurs Spy Boy, il y a conflit pour passer en premier. Il semblerait que jusqu'aux années 1960, ces conflits étaient réellement violents, couteaux et armes à feux compris, l'occasion de vengeances meurtrières... Depuis, les conflits sont devenus symboliques, même s'il faut toujours un vainqueur et un vaincu, le mieux habillé, le meilleur chanteur, percussionniste ou danseur etc. En revanche, c'est toujours à la violence policière qu'ils continuent, presque chaque année, de faire face.
Les chants des Mardi Gras Indians sont particuliers à plusieurs titres: au départ ils ne sont accompagnés que de percussions, et les chants sont très répétitifs, laissant au chanteur le soin d'improviser sur le motif de base, sous la forme de "call and response". La langue utilisée est un mélange d'anglais, de créole français, et de langues autochtones américaines et africaines, réelles ou imaginaires. Certains morceaux sont devenus de véritables tubes et sont repris par toutes les tribus, voire par d'autres musiciens à travers le monde, en particulier Iko Iko, mais aussi Indian Red, Hey Pocky Way, Meet The Boys On The Battlefront, Indians Here We Come, Smoke My Peace Pipe, Big Chief, Ooh Nah Nay...
Avec le temps, certaines tribus se sont professionnalisées, ont enregistré des disques et organisé des tournées de concert. Elles sortent donc en dehors de Mardi Gras et au delà de La Nouvelle Orléans, mais c'est rare. En studio, elles ont alors été rejointes par des groupes de musiciens (claviers, guitares, basse, parfois des cuivres...) pour rajouter une touche funky.
Parmi les tribus connues pour leur musique, on trouve les déjà cités Wild Magnolias (avec Big Chief Bo Dollis et Big Chief Monk Boudreaux dans les années 1970, puis Big Chief Bo Dollis Jr. depuis 2012). Ce sont les premières à être enregistrées, en 1970 par le producteur du Festival de Jazz de la Nouvelle Orléans, Quint Davis, puis en 1973 par le Français Philippe Rault. Ici, au Kennedy Center en 2013:
En 1972, Dr. John sort ses versions de Iko Iko et de Big Chief, et en 1974 les Meters sortent leur version de Hey Pocky Way.
Les Wild Tchoupitoulas (avec Big Chief Jolly Landry) bénéficient d'un seul mais excellent album éponyme en 1976, produit par Allen Toussaint et avec les excellents musiciens des Meters, et la première apparition des quatre Neville Brothers. Voir ci-dessous Meet The Boys On The Battlefront :
Le Super Sunday 2022 avec les nouveaux Wild Tchoupitoulas:
On trouve aussi les Guardians of the Flame (avec Big Chief Donald Harrison Sr., père de Donald Harrison Jr. et grand père de Christian Scott), les Monogram Hunters (avec Big Chief Alfred Montana, puis son fils Big Chief Tootie Montana, puis Big Chief Pie Stevenson), ou le 79rs Gang (avec Big Chief Romeo et Big Chief Jermaine) dont le dernier disque est sorti en 2020, et qui sont passés au Quai Branly plus tôt ce mois ci:
Enfin, certains groupes s'éloignent de la tradition et privilégient les concerts et festivals lucratifs toute l'année, comme le groupe Cha Wa, qui sort ici un clip en 2021, My People:
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Snooks Eaglin
Snooks Eaglin est un chanteur et guitariste (aveugle) de la Nouvelle Orléans, et c'est d'ailleurs lui le guitariste sur le premier disque des Wild Magnolias.
Sur ce rare concert d'1h30, chez lui à La Nouvelle-Orléans le 8 avril 1995, c'est George Porter Jr., des Meters, qui est à la basse, et Herman Ernest III, longtemps accompagnateur de Dr. John, qui est à la batterie. Il a alors 59 ans.
Je n'ai pas noté toute la setlist, mais deux passages ont attiré mon attention:
33:10 Dizzy Miss Lizzy (Larry Williams)
37:30 I'm Not Ashamed (Bobby Blue Bland)
42:30 It's Your Thing (Isley Brothers)
Et un final consacré à James Brown:
1:24:10 I Feel Good
1:26:50 Try Me
1:29:50 Out Of Sight
1:32:00 Ain't It Funky Now
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Walter "Wolfman" Washington
Mort la semaine dernière de Walter Wolfman Washington, encore un chanteur et guitariste de la Nouvelle Orléans, souvent accompagnateur (de Johnny Adams, Irma Thomas...) il a aussi mené une carrière solo qui le range parmi les meilleurs dans un style rare que j'adore, le funky blues (comme Johnny Guitar Watson par exemple, ou Fenton Robinson), ici par exemple avec Stop & Think (1995).
Pour
son dernier disque, l'excellent My Future Is My Past (2018), la guitare
est moins en avant pour mieux mettre en valeur sa belle voix grave sur
des morceaux très bien produits. On y trouve un magnifique duo avec Irma
Thomas sur une vieille chanson de Johnny Adams, Even Now, un peu
l'équivalent de la Chanson des Vieux Amants de Jacques Brel, mais dans
le blues américain:
I went to sleep smiling
When you left, I opened my eyes
I must have been dreaming
You took me by surprise
A man can change his ways
Can a woman change her mind ?
Even now
Sometimes I wonder how
But I'm wishing you
Only the best
Yes I guess
We're even now
Passions, suspicions
We took them all too far
All the wrong decisions
Haven't faded star by star
Turning stones that you can't find
Even now
I still love you
Sometimes I wonder how
But I'm wishing you
Only the best
Yes I guess
We're even now
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Otis Redding
Quelques images rarissimes et en couleur de son enterrement, avec un extrait de God Is Standing By (des Soul Stirrers) chantée par Johnnie Taylor:
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Autre musique
Il disparaissait il y a 16 ans, je suis toujours inconsolable: Happy James Brown Day
Merry Christmas from José James (2021)
https://josejames.bandcamp.com/album/merry-christmas-from-jos-james
Et une chanson de plus pour la Playlist écologique:
Keb' Mo' (avec Taj Mahal) - Don’t Throw It Away
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Siné Mensuel
Ma chronique de décembre 2022:
MELISSA LAVEAUX - Mama Forgot Her Name Was Miracle (2022)
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Dons
C'est la période des dons... dernière chance avant 2023!
SOS Méditerranée:
https://don.sosmediterranee.org/arya/~mon-don
La Casa:
https://www.helloasso.com/associations/la-casa-paris/formulaires/1
Le Droit au Logement:
https://www.droitaulogement.org/nous-aider/
Le Gisti:
https://boutique.gisti.org/aider-le-gisti/don-au-gisti
Refuge Solidaire (Briançon):
https://refugessolidaires.com/nous-aider/aider-financierement/
BDS France
https://www.helloasso.com/associations/initiative-pour-un-autre-monde/formulaires/1/widget
Survie
https://survie.org/l-association/soutenir
ATTAC:
https://france.attac.org/agir-avec-attac/article/appel-a-dons-attac-a-besoin-de-vous#debut
Agence Media Palestine:
https://agencemediapalestine.fr/faire-un-don/
CQFD:
https://cqfd-journal.org/Abonnement-don
Siné Mensuel:
https://www.sinemensuel.com/don/
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Agenda
Dror, Concerts et Sorties à Paris, 28 décembre 2022
Nouveautés:
Jusqu'au 29 décembre Sunset: Tchavolo Schmitt
31 décembre Ardi (34 rue des Cheminots, P18): Nouvel an avec repas palestinien et DJ Ness Afro
https://www.facebook.com/ardiconceptstore/posts/pfbid02GiDDvLLD1fTZsRfGWLFpwcBh3ET1wANKFxdixZeeQrkfGceUxT3QJUawpMMG8BGpl
10
janvier Lieu Dit (6 rue Sorbier, P20): Cédric Herrou interviewé par
Guillaume Meurice à l'occasion de la sortie de son livre "Une terre
commune"
https://www.facebook.com/events/402016922102221/
20-21
janvier Flamenco en France (33 rue des Vignoles, P20): Hommage à Pedro
Bacán avec Inès Bacán et Antonio Moya, précédé de la projection du film
"Fiesta gitana en Lebrija con los Pinini" de Carole Fierz, en présence
de la réalisatrice et de Sebastian Bacán Snow, fils de Pedro, à Paris
spécialement pour l'occasion.
https://www.flamencoenfrance.fr/evenements/hommage-a-pedro-bacan-avec-ines-bacan-et-antonio-moya-2022-12-09
https://www.facebook.com/events/3269616523255942/
https://www.facebook.com/events/1137899597094583/
2-4 février Duc des Lombards: Robin McKelle
9 février Maroquinerie: Matthis Pascaud et Hugh Coltman, hommage à Dr. John
17 février Les Bains: Elli Ingram19 mars Bizzart: Eric Roberson
20 mars New Morning: Joe Louis Walker
24 mars Le Triton (Les Lilas): Benoît Blue Boy
7 avril New Morning: Brooklyn Funk Essentials
9 juin La Seine Musicale: Earth, Wind and Fire Experience
18 juin Elysée Montmartre: Nik West
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