On a tou.te.s entendu des histoires de chansons passées du gospel à la soul. En voici une qui est restée dans le gospel mais qui a quand même pas mal voyagé...
Au départ, il s'agit d'une chanson appelée Amen, publiée pour la première fois en 1949 par la chorale gospel Wings Over Jordan. En 1963, Jester Hairston et Jerry Goldsmith arrangent la chanson pour le film Le Lys des Champs (et en profitent pour s'en approprier la paternité!). Sidney Poitier la chante dans la scène finale du film pour lequel il sera le premier acteur noir à remporter l'Oscar du meilleur acteur:
Curtis Mayfield, alors chanteur des Impressions, l'entend et la reprend en 1964. Les Impressions remportent un grand succès, première popularisation de ce titre.
Cette année là, Sam Cooke est au sommet de sa gloire, et il tourne enfin dans des salles de concert ouvertes aux blancs. Pour enfoncer le clou, il enregistre et publie un album live enregistré dans l'une de ces salles, le fameux Live at the Copa, grand succès commercial. Il chante des chansons à lui, reprend des standards et fait quelques "Medleys", dont l'un avec une version écourtée de Try a Little Tenderness. Il insert également un moment gospel en chantant This Little Light of Mine, un gospel des années 1920, qu'il mélange avec un bout de la chanson Amen.
Ce disque, Otis Redding l'a probablement écouté des centaines de fois. Il en a repris plusieurs morceaux: Try a Little Tenderness (dans la même version écourtée, il n'en connaît pas d'autres), You Send Me, Tennessee Waltz... Il reprend aussi Amen sous ce titre mais, comme Sam Cooke, il la mélange avec This Little Light of Mine. Plus tard, dans les années 1970, Elvis Presley chantera aussi Amen en la mélangeant avec d'autres titres, en particulier I Got a Woman, de Ray Charles...
La version d'Otis Redding ne sortira qu'à titre posthume, en 1968, et c'est en 1969 qu'un groupe de Soul-Funk, The Winstons, en donne sa version, sous le nom de Amen Brother, en face B de Color Him Father, qui connut un certain succès. Sur cette face B, donc pas destinée à devenir célèbre, le batteur Gregory Coleman se permet un petit solo entre 1'26" et 1'33", un "break", qu'on appellera plus tard le Amen Break.
Ce petit solo sera réutilisé et samplé, souvent sans être ni cité ni payé, plus de 3000 fois (soit pas mal plus que le célèbre Think Break de Lyn Collins ou que le Funky Drummer Break de James Brown, samplés à peu près 2000 fois). Samplé par des rappeurs comme NWA, bien sûr, mais aussi par Oasis, Nine Inch Nails, Slipknot, David Bowie, Björk, Skrillex, Salt-N-Pepa, Slipknot, Amy Winehouse ou Stéphane Eicher! Cette chanson, via ce break de batterie, sera donc la chanson la plus samplée de l'histoire du disque! Pas mal pour une petite chanson de gospel...
Salt'n'Peppa - I Desire (1986)
NWA - Straight Outta Compton (1988)
Oasis - D'You Know What I Mean? (1997)
Nine Inch Nail - The Perfect Drug (1997)
David Bowie - Little Wonder (1997)
Slipknot - Eyeless (1999)
Amy Winehouse - You Know I'm no Good (2006)
Bjork - Crystalline (2011)
The Most Sampled Loop in Music History (2019)
NB: En 2015, le chanteur du groupe The Winstons reçoit un chèque de 28.000 Euros en compensation de cette arnaque, mais c'est trop tard pour Gregory Coleman, mort en 2006, sans abri et sans le sou.
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Autre musiqueEncore des morceaux Gilets Jaunes, le premier étant aussi un morceau pour la compil contre la violence policière:
Tibia - Les Loups (2018)
L’Atelier de Chant Traditionnel Etoc - Y a 10 gilets sur le rond-point (2019)
L’Atelier de Chant Traditionnel Etoc - Allons chercher Macron (2019)
Encore une chanson américaine, et un clip, politisés:
Durand Jones and The Indications - Morning in America
Album live à Londres pour Mavis Staples. Trois extraits:
No Time For Cryin
Love And Trust
Slippery People
Un peu de blues funky: la reprise de Mystery Train, mais publiée par Junior Wells sous le titre The Train I Ride, sur l’album On Tap (1974), l’un des seuls de cette époque où il n’est PAS accompagné par Buddy Guy à la guitare. Version live:
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Censure
Londres : deux rappeurs condamnés à des peines de prison pour les paroles d’une de leurs chansons
Max Fraisier-Roux, Lundi Matin, le 11 février 2019
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